Dans exactement 12 jours, j’ai un rendez-vous que j’attends depuis plusieurs années: je passerai ma première épreuve des oraux du CAPES. Dans 15 jours je serai peut-être ce que j’ai toujours rêvé d’être: prof.
La vocation est un grand mot, un peu galvaudé. Cela signifie que l’on est « appelé » à faire quelque chose. J’aime cette idée, j’aime voir des signes partout, j’aime également jouer avec le hasard à la façon d’Audrey Tautou dans Un long dimanche de fiançailles. Le problème c’est que les signes donnent des informations contradictoires selon l’interprétation qu’on en fait. Quand en juin dernier j’ai décidé de ne pas me présenter aux écrits du CAPES, j’y ai vu un signe. Après tout quand l’univers tout entier, pensais-je, s’escrime à vous détourner du chemin c’est qu’il doit y avoir une raison. « Je ne suis pas faite pour ça, je me suis trompée, je pars pour autre chose » Et les gens autour de moi, pour ne pas me bouleverser plus que je ne l’étais déjà ont acquiescé. Mes parents m’ont soutenu bon gré mal gré. Amour aussi. Ils étaient tous perplexes, abasourdis mais compréhensifs.
Ma sœur, elle, l’était beaucoup moins. « Tu es sûre de toi ? » « Explique-moi encore une fois ce que tu vas faire ? » « Je ne comprends pas ce changement, redis moi ça. » Et bien évidemment j’étais excédée par ses questions. Bien sûr que je tirais un trait sur la vie de prof, après tout c’est mal payé et on a aucune reconnaissance. Je vais travailler en entreprise.
Voilà ce que me disaient les signes.
Mais au bout d’un mois de travail dans le privé, à faire 9h-18h tous les jours vissés devant un ordi, à sentir ses neurones se dissoudre puis disparaître jour après jour, à dire des phrases comme « pfff vivement le we » force est de constater que ma lecture des signes avait peut être été erronée.
Je n’avais pas écouté les signes, mais la peur. Elle avait pris le contrôle total de mon existence, elle m’avait détournée de mon objectif, de mon rêve. Elle avait fait de moi un zombie. En l’écoutant j’ai perdu toute mon estime de moi-même, ma confiance en mes capacités et l’espoir de voir mes rêves se réaliser. Elle avait réussi insidieusement jour après jour à injecter de la honte, de la culpabilité et à me transformer en une personne fragile, faible.
J’ai toujours été sensible mais je ne crois pas avoir jamais été faible. Jusque là. Quand la peur prend le contrôle c’est comme un virus qui pousse plus profond. Heureusement l’humain est bien fait, quand il touche le fond, il remonte.
Il faut du temps pour comprendre, pour assumer réellement tous ses choix, admettre que l’on a fait des erreurs et cesser d’avoir continuellement peur. La peur n’est pas un démon que l’on peut exorciser elle est en nous, c’est nous.
Pour ma part elle ne m’a pas quittée, elle vit avec moi. J’ai encore peur d’un tas de choses plus ou moins rationnelles mais je refuse de ne pas avancer à cause d’elles. Pourtant, elle se cache dans mon estomac et dans ma tête et de temps en temps elle presse si fort de ses mains l’intérieur de mon être que j’ai du mal à respirer. Alors pour un temps, elle gagne. Du moins je perds. Mon humeur change, mon regard est vide et mon esprit diffuse en boucle la même chanson.
Je ne peux pas la laisser gagner parce que j’ai un rêve, j’en ai de nouveaux, des tas et qu’il est impossible que je ne les réalise pas. J’ai la vocation d’enseigner, je le sais, je l’ai toujours su. Pour toutes les Laurine de la terre qui ont l’impression que j’ai joué un petit rôle dans leur vie, pour toutes les joies que mes gamins m’apporteront et pour enfin me réaliser, j’irai.
Si ce texte peut aider, voyez le comme un signe. Si non, ne vous embarrassez pas, et fuyez-le.